Critique de Ibiki Abé critique littéraire.
Salut !
Le poème MON PAUVRE de Jean-Julien Danglon est un exemple marquant de la concision poétique, où chaque mot semble pesé et choisi pour transmettre un sentiment de rejet radical et de lassitude. Ce texte court, presque une invective, s’articule autour de la dénonciation d’un être ou d’une entité, qualifiée de pauvre, dont la présence est devenue insupportable au narrateur. Les adjectifs choisis par Danglon se révèlent d’une efficacité tranchante et chaque mot renforce un sentiment d’agacement et de mépris.
L’ouverture du poème par Foireux ! annonce immédiatement un ton brutal, presque vulgaire, et donne au texte une atmosphère de désillusion. Le mot, à la fois familier et agressif, porte en lui un jugement sévère et sans concession. Le choix des adjectifs, collant, baveux, pesant, intensifie cette impression d’un envahissement physique, presque visqueux, évoquant une répulsion physique envers la personne ou la chose visée. Ce lexique sensoriel rend ce rejet particulièrement palpable et permet au lecteur de ressentir l’aversion du narrateur à un niveau instinctif.
L’ajout de moyenâgeux et paresseux comme une voiture à pédales apporte une touche d’ironie mordante, voire de dérision. Moyenâgeux suggère l’obsolescence, une qualité qui renvoie à une époque révolue, comme si l’autre incarnait des valeurs ou comportements archaïques, inadaptés à la modernité. La comparaison avec une voiture à pédales, image enfantine et désuète, souligne une inertie, une stagnation presque ridicule. En associant la paresse à cet objet, Danglon accentue la lenteur agaçante et l’inutilité apparente de ce “pauvre”. Cette image, en plus de son effet comique, exprime une totale inadéquation avec le rythme et les attentes du narrateur.
La phrase Je ne te supporte plus agit comme un pivot dans le poème, le point culminant où l’exaspération du narrateur atteint son apogée. Ce rejet définitif est, dans son expression, aussi simple que catégorique, marquant une rupture irrémédiable. Le Salut ! final résonne comme une ultime libération, un mot bref qui claque comme une porte qu’on ferme avec soulagement. C’est un adieu abrupt, sans appel, renforçant l’ironie par son contraste avec le registre familier et abrupt du reste du poème.
Dans MON PAUVRE, Danglon utilise un langage délibérément cru et visuel, rappelant un certain héritage de la poésie contemporaine qui valorise l’expression directe des sentiments. Avec une économie de mots et une précision chirurgicale, il capture ici l’essence d’un mépris acide et la volonté de rompre définitivement avec un poids devenu insoutenable. Le poème invite ainsi à voir dans cette figure détestée non pas seulement un individu, mais peut-être aussi une représentation de toutes les entraves, les nostalgies ou les relations stériles qu’on souhaite écarter pour avancer.
03 Août 2024
* Jean-Julien Danglon - Poête et artiste digital
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